San Francisco Diaries: Jours 32, 33 & 34

Le samedi 25 juillet, nous avons encore quelques plans de transitions à aller tourner pour notre documentaire. Nous nous divisons donc en deux groupes: les filles partent du côté de Mission tandis que les garçons s’occupent des quartiers de Bayview, de Haight Ashbury, de North Beach et de SoMa. Nous passons notre dernière soirée à la maison  à nous remémorer les souvenirs de ce mois passé ensemble et aussi à préparer le voyage (roadtrip) de Céline, Lola et Arthur. Ils passeront une dizaine de jours à sillonner la Californie une fois le tournage terminé.

Le lendemain, nous nous rendons de bonne heure à Fisherman’s Wharf, le quartier touristique de la ville. Au menu: une balade à vélo de l’autre côté du Golden Gate Bridge. Nos vélos enfourchés, nous nous dirigeons vers le fameux pont. La traversée ne fût pas sans peine. En cause, le vent, la brume et le nombre de bicyclettes amassées sur ce mastodonte de 2737 mètres de long. Après une dizaine de minutes, nous arrivons de l’autre côté mais l’heure n’est cependant pas au repos, nous fonçons droit vers Sausalito, petit St Trop’ san-franciscain, situé à 13 km de notre point de départ. Après nous être perdus (les garçons attendaient les filles qui attendaient les garçons à un autre endroit), nous passons au ravitaillement au magasin du coin: une pause s’impose.

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Rafraichis et en pleine forme, nous démarrons notre chemin vers Tiburon (à 15km de là). Nous avons la chance de pouvoir rouler le long de la baie, les (nombreuses) côtes et les descentes (bizarrement, moins nombreuses) s’enchainent. A 18h, nous arrivons dans le petit village où nous attendait le ferry chargé de nous ramener à San Francisco.

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Tout au long de la journée, nous avons eu droit à des paysages magnifiques et un soleil splendide. Que demander de plus? That’s the way to end our trip!

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La Californie, c’est aussi l’occasion de goûter au célèbre « In N Out », une chaîne de fast-food d’abord concentrée uniquement en Californie, mais qui commence à s’exporter dans d’autres états. Au placard les préjugés concernant les McDo’s, Quick et autres fast food aucunement comparables à l' »In N Out » qui a fait sa popularité entre autre grâce aux les recettes secrètes que le « restaurant » propose à ses clients en échange du « mot de passe ». Un conseil: essayez les « french fries Animal Style »!

Pour une journée typiquement touristique, quoi de mieux que de rentrer chez nous avec le fameux Cable Car, ces trams qui ont fait la popularité de la ville depuis leur création en 1873.

Le lundi 27 juillet, c’est déjà notre dernier jour de travail sur la côte ouest. « Time flies when you are having fun » et c’est bien vrai. C’est avec un petit pincement au coeur que nous nous rendons donc dans le bureau de Michael Spalding, l’avocat de David Brenkus. Nous avons pu parler avec lui des inégalités en matière de justice quand il s’agit de techies et de san franciscain « normaux ». Nous avons également longuement discuté du cas de David ainsi que des changements que subit la ville depuis quelques années.

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IMG_1664Le soir, c’est « Baseball time ». Les garçons, ayant vraiment apprécié le match qu’ils avaient été voir en début de séjour, ont réussi à convaincre les filles de se joindre à eux pour la dernière soirée d’Adrien à San Francisco. Et elles ne l’ont pas regretté. Le score? 4-2 pour les Giants!

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Comme nous l’avons dit plus haut, c’est déjà la fin de notre épopée américaine. Adrien rentre en Belgique tandis que les trois autres vont visiter la Californie.
Nous tenons à tous vous remercier, autant que vous êtes, de nous avoir suivi, liker, tweeter, partager, supporter que ce soit via ce blog, les réseaux sociaux ou via vos emails. Un remerciement particulier à tous nos KissBankers, sans qui cette expérience n’aurait pas été possible!

Merci à tous et surtout, stay tuned car même si le tournage sur place est terminé, nous continuerons à vous informer sur l’actualité de la ville et sur le phénomène de gentrification qui s’y passe. La suite pour nous? Du montage vidéo et audio, des retouches photos et du codage! Nous avons hâte!

A bientôt,

Lola, Céline, Arthur & Adrien

San Francisco Diaries: Jours 29, 30 & 31

Le mercredi 22 juillet, Adrien et Arthur se lèvent de bonne heure (6h30) pour se rendre sur Valencia Street, et y prendre de nouvelles images de techies attentant en ligne les navettes qui les amèneront sur leur lieu de travail dans la Silicon Valley.

IMG_1548Ils retrouvent ensuite les filles, toujours dans le quartier de Mission, devant les bâtiments du CellSpace, un espace autogéré où travaillent et vivent plusieurs artistes du coin. Une conférence de presse y est tenue ce matin par les résidents du CellSpace, accompagnés des différents  représentants de comités de défense des locataires. Le but: organiser et médiatiser la défense de cet endroit. Il est question de remplacer cet espace culturel par un projet immobilier de luxe. Nous retrouvons quelques têtes connues, comme Tommy du Housing Right Committee et Patricia, que nous avions rencontrée lors de notre session de porte-à-porte avec le groupe Eviction Free San Francisco. Une trentaine de personnes sont réunies devant le bâtiment, médias compris. Une fois la conférence terminée, nous avons la possibilité d’interviewer plusieurs personnes et d’ensuite visiter les lieux en compagnie d’un sacré loustic répondant au nom de Johnny.

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Le point d’orgue de cette journée haute en couleurs sera bel et bien notre rendez-vous avec le poète Jack Hirschmann au café Specs, un haut lieu du folklore san-franciscain. Ce poète de 81 ans, que beaucoup rattachent à la Beat Generation, se revendique plus poète communiste ou anticapitaliste que poète beat, ce qui lui a valu son surnom de Red Poet. Elu lauréat de poésie par la Ville de San Francisco en 2006, il représente mieux qui personne (avec Lawrence Ferlinghetti peut-être) le vieux San Francisco de ces 40 dernières années et a beaucoup écrit sur la ville et les changements qu’elle traverse. Une fois les introductions faites, il propose de nous revoir en fin de semaine afin de pouvoir mener l’interview calmement, car le café est très bruyant. Le reste de la soirée, nous la passons à refaire le monde en sa compagnie et celle de ses ami(e)s. Certains nous lisent leurs derniers poèmes, d’autres nous parlent longuement de la ville qu’ils ont connue et qui change à vue d’œil. Tous semblent heureux que nous nous préoccupions de ce sujet. Après quelques verres d’un excellent Brandy californien servis sous la table par l’un de ces galapiats septuagénaires dont nous tairons le nom, nous prenons congé de nos nouveaux amis.

Le jeudi 23 juillet, Lola et Adrien ont rendez-vous à 11h30 au City Hall pour suivre Erin McElroy (que l’on avait rencontré à Oakland le lundi 6 juillet) lors d’une manifestation visant à annuler les avis d’expulsion d’une quarantaine de familles résidant sur Yerba Buena Island (une île séparant San Francisco et Oakland, traversée par le Bay Bridge).

Des développeurs comptent y construire 285 logements luxueux pour seulement 15 considérés comme abordables. Ces habitants se sont vus offrir la possibilité de déménager sur Treasure Island, une île qui est connue pour son haut taux de radioactivité (due à une longue utilisation de l’île comme base pour la Navy américaine).

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Erin et son mégaphone. David Brenkus et Theresa Flandrich étaient également présents.

Nous avions donc déjà pu discuter avec Erin au sujet de la gentrification de San Francisco mais nous n’avions encore jamais vu cette activiste en action (hormis sur les nombreuses vidéos que nous avions regardées pour la préparation de notre travail). Munie de son mégaphone et accompagnée d’un autre activiste, la jeune femme commence à scander ses slogans : « When San Francisco is under attack, what do we do ? » et la foule répond « Stand up, fight back ! » ou encore « What do we want ? Stop the evictions ! When do we want it ? Now ! ». Se succèdent au mégaphone des habitants de Yerba Buena Island et des activistes, tous urgeant le gouvernement de la ville d’agir, de faire quelque chose pour sauver leur île. Leur demande est simple : ils seront évincés dans 40 jours (en pleines vacances parlementaires), ils veulent donc que le conseil communal des supervisors et le maire organisent un conseil communal où les habitants de l’île pourront s’exprimer et ce, avant la date fatidique.

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Nous avons ensuite la chance de pouvoir parler à Tony Robles (dont nous vous parlions à la fin de cet article) qui a pris la parole lors de la manifestation. Cet artiste et activiste a dû s’en aller de San Francisco par nécessité financière et s’est établi à Oakland.

Après avoir suivi Erin et Betty Mackey, l’organisatrice de la manifestation et elle-même résidente de Yerba Buena Island, dans les couloirs du City Hall pour qu’elles puissent remettre une lettre à chaque Supervisors et au maire, nous avons l’occasion de nous poser devant le City Hall pour les interviewer.

Pendant ce temps, Céline et Arthur sont à Oakland pour rencontrer Tiny, l’épouse de Tony Robles, fondatrice du magazine Poor et du centre Homefulness.

Le lendemain (vendredi 24 juillet), une longue journée nous attend. Au programme: une interview avec Maxime Padres que nous avions déjà suivi lors du volontariat organisé par Zendesk; une autre avec Jack Hirschman, poète san-franciscain auto-revendiqué communiste; un avec Sup. John Avalos, un des 11 Supervisors (députés) de la ville ; et une dernière avec Paula Tejeda que nous avions déjà rencontrée le 15 juillet.

A 9h, direction Zendesk. Nous sommes maintenant habitués (c’est la troisième fois que nous venons en moins d’un mois), une fois l’inscription au bureau du garde et l’acquisition des badges, nous rencontrons Maxime dans l’open space. Nous pouvons, cette fois-ci parler avec lui de l’influence que le secteur numérique a eu sur l’économie, sur la ville ainsi que sur ce qui fait de San Francisco l’eldorado de la tech et inévitablement sur la crise du logement que connaît la ville.

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A peine l’interview terminée, Lola et Adrien prennent la direction du City Hall pour rencontrer le Supervisor John Avalos mais l’interview tourne court, le politicien n’est pas là, il faut reporter l’interview (à l’heure d’écrire ces lignes, nous apprenons, avec regret, que nous ne pourrons finalement pas lui parler).

A North Beach, Céline et Arthur ont rendez-vous avec Jack Hirshman.

Les deux garçons s’en vont ensuite rendre visite à Paula Tejeda. Nous avions eu quelques problèmes de sons lors de sa première interview, il nous faut donc la refaire. Paula est souriante, comme à son habitude, et nous offre une heure de son temps bien gracieusement. Pendant ce temps, les filles continuent leur travail mixant photos et sons dans les quartiers de Mission et de SoMa.

San Francisco Diaries: Jours 26, 27 & 28

Les amateurs de cyclisme (Tour de France oblige) le savent, une course à étapes ne se gagne pas si on ne sait pas profiter des journées de repos. C’est la même chose avec un documentaire portant sur plus d’un mois de travail. Ce dimanche 19 juillet, c’était donc notre journée de repos. Pas de caméra ni d’enregistreur sonore. Juste un appareil photo et direction Ocean Beach. Qui plus est, les températures enregistrées étaient exceptionnelles, c’était l’occasion! Nous en avons eu pour notre argent comme on dit: une après-midi de détente, un plongeon dans l’eau (très) froide du Pacifique et un coucher de soleil magnifique! De quoi nous revigorer pour la suite et la fin de notre épopée.

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Maxime participait pour la première fois à cet atelier « Arts and Crafts »

Le lundi 20 juillet, nous avions rendez-vous à Zendesk, une entreprise numérique basée dans le quartier du Tenderloin et très impliquée dans la communauté de cette partie de la ville. Nous avons pu suivre les nouveaux employés qui venaient faire du volontariat au Curry Senior Center, un centre pour les personnes âgées. Au programme: atelier « Arts and Crafts » (Arts et Bricolage, en français). Les « techies » de Zendesk ont donc pu passer deux heures à bricoler mais surtout à discuter avec les seniors du centre ainsi qu’à faire des selfies avec leurs nouveaux amis (il faut bien vivre avec son temps!). Nous avons suivi Maxime Prades, directeur de la plateforme Zendesk. Ce Français est arrivé aux Etats-Unis il y a 2 ans. Parlant français, le contact est directement bien passé. Le jeune homme participe à ces activités de volontariat environ une fois par mois mais donne généralement des cours d’informatiques aux plus âgés; tout y passe, de la création d’une adresse mail au fonctionnement de programme comme Word ou Excel. Une activité intéressante et enrichissante tant pour les seniors que pour Maxime.

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Les employés de Zendesk et les seniors devaient construire des petites oeuvres d’art avec du bois et de la colle.

Le soir, nous avons rendez-vous dans une maison d’artistes, amis de Shawn Bullen, (l’artiste que nous avions rencontré le premier jour de notre voyage), baptisée Lakeview Studio (du nom de la rue dans laquelle ils sont installés). Ils y organisent le Monday Art Night: un soir par semaine, les artistes de tous horizons, amis ou non, peuvent occuper l’espace pour dessiner, peindre, jouer de la musique, dans une bonne ambiance. Nous y rencontrons quelques artistes avec qui nous pouvons discuter gentrification, crise dans l’art à SF, crise du logement, influence de la tech ainsi qu’à tas d’autres choses. Une bonne soirée, en somme.

Le lendemain (21 juillet), nous rencontrons Shawn, justement, ainsi que sa colocataire, Tyra Fennell. Ils sont tous deux à l’initiative d’une asbl, Imprint.City, ainsi que d’un festival d’art urbain qu’ils veulent mettre en place dans le courant de 2016. Nous avons donc pu les interviewer sur la place actuelle de l’art dans la ville de San Francisco, sur la crise du logement qui affecte les artistes – parfois obligés de quitter la ville – et sur le rôle de Mécène que certaines personnes du secteur numérique peuvent endosser. Shawn a également pu revenir sur la problématique des fresques murales dans les quartiers plus pauvres de la ville. L’art est censé embellir ces quartiers et donc rendre la vie plus agréable mais ce faisant, cela favorise l’arrivée d’une classe plus aisée (notamment les employés de la tech) dans ces mêmes quartiers et donc l’exclusion d’une partie de la population, plus pauvre, ne sachant pas suivre les prix du marché immobilier.

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Shawn ne peint pas que des fresques murales

Nous étions ensuite supposés souper chez Haley Jensen, un contact que nous avait procuré Cédric Godart. La réalisatrice a tourné un documentaire, Mi Casa No Es Su Casa (« Ma maison n’est pas sa maison », en Espagnol), sur la gentrification dans le quartier de Mission. Mais la jeune femme a malheureusement dû annuler.

San Francisco Diaries: Jours 22, 23, 24 & 25

Mercredi 15, nous avons rencontré Paula Tejeda, une commerçante du quartier de Mission qui se bat contre son expulsion. Elle nous avait donné rendez-vous dans son agréable petit restaurant, le Chile Lindo, situé sur la 16 ième. Chilienne d’origine, elle est la seule à fricasser des « empanadas » (chaussons farcis de viande, d’œufs et de pommes de terre) à San Francisco. Ces savoureux mets chiliens envahissent la rue de leur bonne odeur et donnent envie à tous les passants. C’est avec le sourire aux lèvres que Paula nous a accueilli dans sa cuisine. Après avoir échangé quelques mots, nous avons commencé l’interview. Nous sommes restés une bonne heure avec elle tant elle avait à nous dire. Son histoire est passionnante, ses mots sont bien choisis et nous l’écoutons avec grande attention. En plus de se battre contre son expulsion, elle se bat aussi pour garder l’âme du quartier de Mission. Elle travaille là depuis très longtemps et connaît bien le voisinage. Elle aide aussi les nombreux SDF qui vivent près de son restaurant et ils lui en sont très reconnaissants. Elle symbolise un peu « le vieux Mission » et représente une des icônes du quartier. Notre rencontre fût donc très enrichissante. Après notre pause pic-nic, nous nous séparons en deux : Arthur et Adrien partent faire des plans de coupe du quartier et Céline et Lola retournent dans le quartier de Soma pour continuer leur reportage son-photo sur les nombreux changements qui affecte celui-ci. Une belle journée journalistique, donc !

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Paula et son restaurant « Le Chile Lindo »

En rentrant, Céline décide de nous préparer un bon guacamole et nous nous installons sur la terrasse pour prendre un petit apéro et savourer les derniers rayons du soleil. Nous faisons aussi un gros « brainstorming » de ce qu’il nous reste à faire et discutons de l’agencement de notre futur web documentaire.

 

Le jeudi 16 juillet devait être une journée importante pour nous et pour le projet: nous rencontrions finalement quelqu’un appartenant au domaine politique. En effet, si les techies semblent être la cible principale des victimes d’expulsion, des associations de locataires ou des San-Franciscains attaché à leur ville, l’administration de la ville a un rôle à jouer dans la crise immobilière et identitaire que connaît San Francisco. Le maire Ed Lee a voulu conserver des entreprises comme Twitter qui comptait migrer vers la Silicon Valley et leur a accordé une exonération d’impôts pour qu’elles laissent leurs bureaux dans le centre-ville et, en l’occurrence, sur Market Street. Nous nous réjouissions donc de pouvoir parler à l’aide législative de David Campos, Supervisor du District de Mission, enclin à protéger ses habitants, les locataires et à se battre contre les mesures du maire. Mais faute de chance, la rencontre fut annulée en dernière minute.

Qu’à cela ne tienne, nous avons eu la confirmation d’une interview avec John Avalos, Supervisor du District d’Excelsior, qui est celui dans lequel nous avons élu domicile pour le mois de juillet, le 24 juillet.

Nous profitons donc de cette journée finalement libre pour nous rendre sur Twin Peaks, les pics jumeaux, considérés comme les deuxièmes points les plus hauts de la ville (280 mètres d’altitude). De là, nous avons pu avoir un point de vue splendide et impressionnant sur la ville. Résistants aux forts vents, nous avons pu prendre quelques plans avec la caméra (en faisant bien attention qu’elle ne s’envole pas). Notre journée fût donc loin d’être perdue et nous a permis de passer un bon moment ensemble.

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Le jour se lève, nous sommes vendredi (17 juillet). Aujourd’hui nous avons rendez-vous avec David Brenkus. David est un artiste. Il a la cinquantaine et il a reçu son acte légal d’expulsion il y a quelques mois. Les anciens propriétaires de son bâtiment ont fait faillite avec la crise de 2008 et se sont retrouvés locataires du bâtiment qu’ils eurent l’habitude de posséder. Les nouveaux propriétaires, deux jeunes indiens possédant une entreprise high-tech ont rapidement poussé les anciens propriétaires en leur offrant de l’argent, que ces derniers n’ont pas eu le coeur de refuser étant donné leur situation financière un peu difficile.

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Aujourd’hui, David est le seul du bâtiment à ne pas être parti. Ce qui ne plait pas aux nouveaux propriétaires, qui ont décidé de jouer la carte de l’Ellis Act (loi californienne qui permet à des propriétaires d’expulser leurs locataires s’ils désirent quitter le business de la location et ainsi revendre le bâtiment à de nouveaux propriétaires) pour l’expulser. Photographe expérimental, son appartement est bien plus que son lieu de vie, il est aussi son endroit de travail et d’expérimentation. Sa cave, il l’a transformée en galerie d’art et en atelier dans lequel il travail le bois. Dans son appartement, il n’a pas seulement une cuisine, une chambre et un salon. A ces pièces ordinaires s’ajoutent deux chambres noires et un bureau lui permettant de s’atteler à ses expérimentations digitales. Charpentier de formation, la création et la construction n’ont pas de secrets pour lui. Tout ce que nous voyons autour de nous, il l’a construit. Avec beaucoup d’amour.

Après cette rencontre, nous nous séparons. Après un passage par les célèbres « Painted Ladies », Arthur et Adrien ont ensuite rencontré Thomas Vanderhaegen, un consultant dans le domaine du digital. Ce fût un vrai plaisir de pouvoir discuter de la ville, de notre problématique et de sa vision des choses avec ce belge, arrivé à San Francisco il y a un an. Lola et Céline sont allées, de leur côté, vers le quartier de SoMa  (South of Market) pour continuer leur travail de documentation en son et en photo sur la gentrification qui a marqué et transformé cette partie de la ville.

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Les « Painted Ladies », la carte postale par excellence de San Francisco

 

Samedi (18 juillet) matin, nous nous sommes rendus à un rassemblement protestataire organisé en soutien de Theresa Flandrich que nous avons rencontrée au City Hall au début de la semaine, alors qu’elle venait soutenir le projet de loi « Airbnb » proposé par le superviseur Campos. Ça fait 32 ans que cette femme d’une soixantaine d’années vit dans son appartement situé à North Beach, dans un immeuble où vivaient encore jusqu’il y a peu de nombreux résidents. Pendant des années Theresa s’est occupée de l’ancienne propriétaire, une vieille dame décédée en 2010. C’est aujourd’hui la nièce de cette dame, devenue propriétaire par héritage, qui a lancé il y a un an et demi une procédure d’expulsion pour tous les habitants. Seuls restent encore Theresa et son voisin Silvio, qui ont décidé de se battre en justice contre la propriétaire. Un long, épuisant et couteux parcours. L’ironie de la situation veut que cette propriétaire, est professeur d’université à Los Angeles, et travaille actuellement sur une étude sur les secrets de la longévité des personnes de 90 ans et plus. Et que depuis l’augmentation fulgurante des expulsions à San Francisco ces dernières années, il a été démontré que ce genre de situation avait des effets négatifs sur la santé des seniors. Le stress de se retrouver à la rue peut en effet être à l’origine d’incidents cardiaux et de crises d’angoisse, dont les répercussions peuvent être fatales une fois passé un certain âge.

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C’est donc pour pousser la propriétaire à abandonner la procédure d’expulsion que différents mouvements de défense des locataires se sont rassemblés, parlophone au poing, devant l’immeuble de Theresa, qui est aussi devenu la résidence secondaire de la propriétaire. Ce genre de méthode est devenu courant ces dernières années à San Francisco. Selon les activistes, beaucoup de propriétaires ne veulent pas que leurs affaires d’expulsion soient exposées sur la place publique. En les mettant sous le feu des projecteurs, les chances qu’ils abandonnent la procédure sont plus grandes. Une trentaine de personnes étaient au rendez-vous, entonnant des slogans comme « Ellis out ! Tenants In ! » (L’acte d’expulsion dehors, les locataires dedans) ou « Eviction = Death ». D’autres personnes étaient là pour documenter l’évènement en images, notamment une journaliste canadienne travaillant pour la version numérique d’Al Jazeera. De nombreux badauds et même des touristes s’arrêtaient pour nous poser des questions sur ce qui est en train de se passer. Certaines voitures passant sur la rue klaxonnaient en guise de soutient, avant d’être applaudies par les protestataires. Cela n’a pas suffi à faire sortir la propriétaire de chez elle. Mais l’évènement était aussi symboliquement fort pour Theresa et Silvio, déterminés à montrer qu’ils ne sont pas prêts à partir.

Ci-dessus, une vidéo de Theresa prise par les créateurs du magazine Poor, un magazine qui se fait la voix des pauvres, des SDFs, des déplacés, des artistes et des personnes en difficulté.

Nous avons ensuite profité de la fin de journée pour nous promener dans les rues de North Beach. Ce pendant californien de Little Italy fût dans les années 50 le terrain de jeu des auteurs de la Beat Generation comme Jack Kerouac et Allen Ginsberg. Pour terminer la journée comme il se doit, nous avons passé quelques heures à bouquiner dans la librairie City Lights, véritable monument de la littérature américaine. Fondée par Lawrence Ferlinghetti (poète, éditeur et grand ami des auteurs cités plus haut) en 53, c’est encore lui qui en est le grand patron, même si à 96 ans il ne s’y rend que très peu encore. Tout un symbole néanmoins, qui a contribué à la création de cet esprit si particulier qui plane encore dans certains quartiers de la ville.

San Francisco Diaries: Jours 19, 20 & 21

Ce dimanche 12 juillet, nous rencontrions Eva. Après avoir eu un premier contact avec elle sur le campus de Facebook (elle y était notre guide), nous la rencontrons au Café La Bohème en plein centre du district de Mission. Autour d’un café et par après, devant notre caméra, nous avons pu parler avec elle de la présence des sociétés numériques dans San Francisco, de leur influence sur la ville, de leur rôle dans le développement de la ville. Une des questions qui nous est directement venue à l’esprit était: « Doivent-ils être obligé de soutenir financièrement la ville et les communautés »?. Sa vision sera à découvrir dans notre documentaire mais il semble évident que les techies (les employés du secteur de la tech) doivent s’intéresser à leurs voisins, à la vie de leur quartier et doivent s’adapter à leur environnement. Eva pointait également le rôle de la ville dans la construction des logements abordables. Quant à savoir, si pour elle, san-franciscaine d’origine, la ville a perdu son âme, la jeune femme nous dit surtout avoir remarqué des changements architecturaux, physiques, comme le remplacement des petits magasins locaux et multiculturels par les restaurants modernes remplis d’hipster.

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IMG_1306Le reste de la journée se passait à prendre des plans de coupe du quartier de Mission, de fresques murales, d’oeuvres d’art de rue et de café branché pour techies. Aux détours d’une ruelle (clarion aly) connue pour ces fresques murales protestataires à sujets sociaux (comme la gentrification, la drogue ou encore la corruption dans le monde politique), nous rencontrons 2 artistes de rue peignant un mur où l’on peut y lire « Evict Google« . Pour eux, c’est clair, ils sont tellement en colère contre les employés de Google, Facebook et consorts qui leur vole leurs maisons et leur ville qu’ils ne trouvent même pas les mots pour l’expliquer, c’est sans doute plus facile grâce à la peinture.
Le lendemain (le 13 juillet), nous décidons de nous lever de bonne heure pour filmer les techies montant dans leur Google buses (nous vous en parlions dans l’article « La crise du loyer frappe de plein fouet San Francisco (1/3)« ). Le contraste est flagrant entre les travailleurs attendant les transports en commun dans les abris de bus et les employés des compagnies numériques qui attendent en file indienne, le nez sur leur smartphone, leur bus de luxe.
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IMG_1336Les garçons décident, dans l’après-midi, d’aller voir le Golden Gate Bridge (après près de 3 semaines passées dans la ville, il le fallait), passage obligé pour tous touristes qui se respectent à San Francisco et plans de coupe vidéo nécessaire pour placer notre documentaire dans la « City by the Bay ». Arrivés là-bas, après près d’une heure et demi passées dans les transports en commun, c’est une marée de touristes qui nous accueille. Nous ne perdons pas une minute, sortons la caméra et captons cet édifice, que dis-je, ce mastodonte tout de rouge vêtu qui nous fait face. Le soleil est là, la vue sur la baie est splendide, il n’en faut pas plus pour que l’on se décide à franchir le pont et ses 2,7 km pour aller voir si la vue est plus belle chez le voisin de Sausalito (la localité située de l’autre côté du GGB, lisez Golden Gate Bridge). Et quand la vue sur la célèbre prison d’Alcatraz et sur la baie était splendide depuis le côté « San Francisco », le côté « Sausalito » nous offre un superbe panorama sur Frisco, une vraie image de carte postale! Et des plans pour nos vidéos.
Les filles, pendant ce temps-là, continuent leur travail alliant photos et sons dans Mission et Valencia. Parties à la rencontre des habitants de San Francisco, anciens et nouveaux, elles désirent pouvoir exposer les changements que la ville a subis, le ressenti des San-Franciscains à ce propos… La suite dans notre documentaire!
Le mardi 14 juillet, nous décidons de nous rendre au City Hall, l’hôtel de Ville de San Francisco, pour y assister à un vote au sein du Board of Supervisors (Les supervisors sont une sorte de députés municipaux représentants chacun un district) au sujet de la régulation des plateformes proposant un service de location à court terme, la plus connue étant Airbnb. Le problème étant que beaucoup de propriétaires évincent leurs locataires afin de proposer leur maison ou appartement à la location à court terme parfois pour une somme bien plus importante qu’un simple loyer.
Ne pouvant pas filmer la séance, nous nous contentons d’écouter attentivement les débats (même si tout n’est pas facilement compréhensible en politique). David Campos, Supervisor du quartier de Mission, étant le plus enclin à réguler ces plateformes, n’a cependant pas réussi à faire passer sa motion. Ce dernier ne veut pas que les responsabilités d’une location incombent aux loueurs mais bien aux plateformes. Trop de règles s’appliquent au peuple mais aucune ne vient contrecarrer les grandes compagnies du type Airbnb, selon lui.
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Nous profitons de cette occasion pour, après la séance, interviewer des membres d’associations et défenseurs des droits des locataires dont Tony, qui a dû fuir San Francisco pour Oakland et qui a notamment écrit un livre de poèmes au sujet du vieux San Francisco, celui des histoires et des films, qui a perdu de sa superbe depuis quelques années. Lui-même activiste, sa femme s’occupe du projet Homefulness, un projet éducatif, artistique, de changement social et de cohabitation à destination des familles ou personnes sans domicile. Intéressés par ce qu’il a à dire et déçu de ne pas pouvoir passer le reste de l’après-midi avec lui, nous nous quittons sur une promesse de revoir.

San Francisco Diaries: Jours 17 & 18

Vendredi 10 juillet, nous avions rendez-vous avec Cédric Godart, journaliste belge indépendant, qui s’est expatrié à San Francisco. Nous l’avions déjà skypé avant de partir pour parler de notre projet et surtout de la situation actuelle de la ville. Nous lui avions posé une série de questions auxquelles il a répondu patiemment et cela fût enrichissant pour nous et notre connaissance de l’état actuel des choses.

Vers 13 heures, nous sommes arrivés chez lui. Le courant est bien passé entre nous. Nous avons beaucoup discuté de notre projet, de nos premières rencontres ici, de nos interviews et de l’avancement de notre travail. Nous avons aussi débattu sur différents sujets et nous avons discuté de notre visite dans la Silicon Valley. C’était vraiment sympathique.

Nous nous sommes ensuite séparés et chacun est retourné à ses tâches journalistiques. Céline et Lola sont parties dans le quartier de SOMA, qui a énormément changé depuis quelques années, pour aller à la rencontre des commerçants du coin. Céline se consacre majoritairement à la photographie alors que Lola s’attelle à la prise de son. Ensemble, elles sont ensuite parties à la rencontre des SDF qui vivent un peu plus loin, sous les ponts de l’autoroute, hors de la vue des nouveaux arrivés dans le quartier.

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Des SDF vivent dans leur voiture

Adrien et Arthur sont partis de leur coté afin de tourner quelques beaux plans de coupe de la ville. Une tâche indispensable à ne pas sous estimer !

Samedi, nous avions une journée un peu plus calme. Nous en avons donc profité pour regarder les rushs de nos diverses interviews et pour se faire une idée de la matière que nous avons déjà. Le soir, détente : les garçons sont allés voir un match de baseball, un incontournable aux Etats-Unis ! Car après tout, comme le disait Jacques Barzun, historien et philosophe américain, « Whoever wants to know the heart and mind of America had better learn baseball ».

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San Francisco Diaries: Jour 16

N’ayant rien à faire ce jeudi 09 juillet, nous décidions le mercredi de louer une voiture pour nous rendre dans la Silicon Valley afin de voir par nous-mêmes les grandes entreprises dont on nous parle sans cesse dans les médias depuis une dizaine d’années; on a nommé Google, Apple, Facebook.

Les lieux étant aussi protégés que les bureaux de la CIA, pas d’accès si on n’a pas été invités par un travailleur; la déception ne tarda pas à pointer le bout de son nez même si nous le savions bien avant de nous lancer dans cette aventure. Nous purent toutefois nous balader dans le fameux Googleplex et, chose plutôt étonnante, filmer, caméra au poing. Nous nous attendions à nous faire « attaquer » par la Police de Google mais rien de tout cela. Nous avons donc pu voir les employés se détendre lors d’une partie de beach-volley ou travailler au soleil dans les salons d’extérieur installés aux abords des bureaux. Et en bonus, nous nous sommes même permis une petite balade en Googlebike.

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Après un bref passage par Los Altos pour y voir le garage où Steve Jobs et Steve Wozniak construisirent en 1976 le premier ordinateur de la marque à la pomme, l’Apple I, nous arrivions à Cupertino. Là, encore moins de chance que chez Google. La seule chose que nous avons pu admirer: le parking et l’Apple Store du numéro 1 d’Infinite Loop (la rue encerclant les 6 bâtiments d’Apple).

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Le garage des Jobs

Bientôt l’heure de rendre la voiture mais avant cela, un petit détour par Standford s’imposait. Cette université, fondée en 1891, compte parmi les meilleures du monde. Comptant pas moins de 21 prix Nobel parmi ses professeurs et chercheurs, elle a vu passer le tennisman John McEnroe; l’écrivain John Steinbeck; de nombreux anciens chefs d’Etat, dont notre Roi Philippe, ou secrétaires américains ; et de nombreux CEO ou fondateurs d’entreprise dont notamment Larry Page et Sergey Brin, les fondateurs de Google. Connu pour ses bibliothèques, le campus est magnifique, l’architecture et le calme qui y régnait (c’est les vacances!) lui donnait un air de cloître. Une atmosphère où il fait bon vivre et étudier.

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Notre journée ne s’est cependant pas cantonné à des balades sur un campus universitaire et à des visites infructueuses sur ceux des grosses boîtes technologiques que sont Google et Apple. Nous avons eu l’incroyable chance de pouvoir visiter les bureaux de Facebook, guidés par Eva, la petite amie de Michael dont nous vous parlions dans l’article « San Francisco Diaries: Jours 7, 8 & 9« . Cette expérience fut tellement unique et nous l’avons vécu chacun différemment, nous vous proposons donc nos impressions personnelles pour ces deux heures passées dans l’antre de Mark Zuckerberg.

FaceBookWorld (Lola)

Tout est coloré. Tout est beau. Tout est bon. Tout est facile. Tout est complaisant. Tout est éblouissant. Tout est épatant. Mais… tout est cloisonné. Une jolie prison dorée. Il est impossible d’y entrer sans être le « visiteur » d’un des travailleurs. J’étais l’hôte d’Eva, une employée qui travaille pour Facebook depuis deux ans. A mon arrivée, j’ai d’abord été émerveillée de ce que je pouvais voir autour de moi : de jolies petites échoppes colorées où il est possible de déguster cupackes, cafés frappés, glaces artisanales et yoghourts aux fruits. Des tonnes de restaurants offrant un choix rocambolesque de nourriture et de victuailles en tout genre. Des salles de jeux vidéo pour se « détendre » devant des écrans animés. Des couloirs ornés de peintures murales toutes plus belles les une que les autres. Des distributeurs de clavier d’ordinateurs, des murs en feuilles, des tableaux noirs et des craies, des couleurs partout, des employés qui sourient, qui mangent, qui travaillent, qui re-mangent et qui re-sourient. Ont-ils réellement besoin de TOUT ça ? Est ce qu’un restaurant asiatique, américain et français ne suffiraient-ils pas ? Ont-ils vraiment besoin de manger un dessert après chaque repas ? Savent-ils qu’à 20 minutes en voiture de là, des gens dorment dans la rue et meurent de faim dans le quartier de Mission ? Il y a une vie Facebook. LEUR vie. Mais il y a aussi une autre vie à coté, LA vie. En sont-ils conscients ? J’ai l’impression que leur prison dorée est un cadeau empoisonné… Ils ne peuvent garder les pieds sur terre dans un tel environnement. Et Facebook ne révolutionnera pas le monde. J’en suis convaincue. Un réseau social ne guérira pas les maux de la terre, n’apportera pas plus d’eau aux enfants assoiffés, n’améliorera pas les inégalités, ne transformera pas le pain en dollar. Il permet (juste) de connecter les gens entre eux. C’est déjà bien. Mais ces employés me donnent l’impression d’avoir la conviction qu’ils changent le cours des choses.

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« Lola was in Facebook »

A coté de ça, mon admiration pour cet endroit -presque magique- est telle que j’en suis moi-même perturbée. Je m’y sens bien. J’aime les sources d’inspiration qui traversent le campus de part et d’autre, j’aime la liberté que ces travailleurs ont l’air de pouvoir prendre, j’aime le fait qu’ils soient respectés et écoutés.

C’est d’abord très convaincue que je quitte Facebook. C’est ensuite dubitative que je me lève le lendemain. Toute technologie avancée n’est pas magique. Je commence à entrevoir certains côtés pervers à ce joli monde. En me rendant dans un café de Valencia, je n’aperçois aucun contact humain, aucune communication. Même pas un regard. Les gens sont sur leur MAC. Les gens sont sur Facebook… Eux aussi me donnent l’impression de ne plus vivre dans le monde réel.

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Facebook a racheté Instagram en 2012

Tout pour l’employé, l’employé pour le tout (Adrien)

Ayant entendu parler du Googleplex auparavant et de la tendance à vouloir répéter ce genre d’environnement de travail dans le secteur de la tech, je me doutais bien que le campus de Facebook serait haut en couleur, en animation et en services (offerts à l’employé). Mais je dois tout de même avouer que j’ai été bluffé.

Nous arrivons tout d’abord sur un parking assez austère bien qu’immense. Et on se dit rapidement : « Tcheu, à part le pouce à l’entrée (voir photo) du parking, ça n’a pas l’air si terrible que ça. Un grand parking et des bureaux ». C’est que l’habit ne fait pas le moine. Une fois passés les portes de l’accueil, nos badges autour du cou, le choc : nous découvrons une vraie petite ville entourée de buildings. Une chose est sûre, les employés de Mark Zuckerberg ne manque de rien : restaurants en tous genres, salles de jeux d’arcade, bars, marchands de glace et même un magasin-souvenir proposant des pulls, des t-shirts, des pins, des autocollants ou même des chaises de jardin, le tout estampillé « Facebook ».

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Le pouce qui accueille les employés et les visiteurs

Eva, notre guide d’un jour, nous emmène des rues bondées de la mini-ville jusqu’au bureau qu’occupait à une époque un certain Mark, PDG de l’entreprise, en passant par les bureaux d’Instagram et les différentes œuvres d’art (modernes) situées dans les bureaux. Nous passons ensuite sur le deuxième campus de l’entreprise en empruntant un petit shuttle. C’est là que nous mangeons dans un des nombreux restaurants offrant un choix gigantesque de produits : il nous a fallu 5 minutes pour faire un bref tour du comptoir et 10 autres minutes pour décider ce que nous allions prendre.

Deux heures de visite donc, à explorer les bureaux où sont prises les décisions liées au réseau social que l’on utilise le plus, deux heures d’extase (on se croirait à Disney) mais également deux heures à croiser des employés rivés sur leurs mobiles ou portables, parlant facebook, mangeant facebook, pensant facebook. On comprend vite tout l’intérêt pour une entreprise de vouloir créer un tel environnement de travail : un environnement où tout est gratuit (du cookie au clavier Apple), où les employés peuvent prendre une pause à n’importe quelle heure pour aller faire de l’escalade, jouer au basket ou faire du fitness (tout ça sur le campus et gratuitement). La frontière entre travail et loisir s’amenuise peu à peu, les employés ne rechignent donc pas à travailler des heures durant pour l’entreprise vu que celle-ci leur offre pratiquement tout. C’est là qu’on voit le brio de telles entreprises, notamment celles du secteur de la tech : placer leurs employés dans des conditions optimales afin que leur rendement soit le plus qualitatif et le meilleur possible.

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Le Facebook Store

Cependant, même si Eva nous parle de demi-année sabbatique afin de réaliser des projets extra-Facebook, toute cette activité, toute cette micro-société a lieu dans un espace-clos, à l’abri des regards extérieurs (seuls les visiteurs accompagnant des employés ont droit de mettre les pieds à l’intérieur du campus). La tentation peut donc être grande de très vite ne côtoyer que des employés de Facebook et de s’enfermer dans une bulle mais ce ne sont là que des spéculations, mes spéculations. Le réseau social annihilerait-il toute forme de vie sociale chez ses employés (entendez par là, rencontrer des gens d’autres horizons, d’autres classes sociales).

Toujours est-il que deux heures incroyables et que mon premier sentiment en sortant de l’accueil pour retrouver notre voiture et la route fut : « Pu****, j’ai envie de travailler là ! ». Avec un peu de recul, ma vision est plus nuancée mais je crois sincèrement qu’un environnement dans lequel un travailleur se sent bien, dans lequel il peut avoir accès gratuitement à ce dont il a besoin pour accomplir ses tâches et dans lequel il peut être écouté et respecté est primordial au bon fonctionnement d’une entreprise et ça, Facebook l’a bien compris.

Arthur & The Like Factory

Tout au long de cette visite des quartiers généraux du plus grand producteur mondial de «J’aime », je n’ai pu cesser de m’imaginer plongé dans un remake moderne de Charlie et la Chocolaterie. Une descente dans un univers onirique dont l’entrée est bien gardée. Notre ticket d’or, c’est Eva, une connaissance de connaissance que nous n’avons jusqu’alors jamais rencontrée mais qui a accepté de nous inviter entre ces murs et de nous y guider. Un fameux coup du hasard qui ne fait que renforcer le sentiment d’exclusivité qui plane autour de cette visite. Une fois l’enregistrement passé, nous pénétrons enfin dans la microsociété pensée dans le moindre détail par Mr Mark “Wonka“ Zuckerberg. Ici, tu peux tout toucher, tout goûter, faire ce qui te plait et être qui tu veux être. Enfin, dans le cadre de ce pour quoi tu as signé. C’est ce qu’Eva me fait comprendre dans les secondes qui suivent notre entrée dans ce sanctuaire, alors que je m’emballe déjà à lui parler de notre projet à grand coup de «Et la gentrification alors ? ». C’est noté, les deux prochaines heures nous ne parlerons que de ce qui concerne la vie d’un employé à Facebook et ses multiples avantages, pas du monde extérieur. De toute façon, mon cerveau est déjà submergé par un surplus d’informations visuelles et sensorielles.

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« Charlie et la chocolaterie »

Les synapses commencent à surchauffer. Tous ces restaurants gratuits, ces salles de détente, ces magasins de goodies estampillés d’un « f » blanc sur carré bleu, où la file ne s’arrête jamais. Je suis tenté de m’approcher d’une fontaine à eau afin de vérifier que ce n’est pas du miel qui en jaillit, mais je préfère lui laisser le bénéfice du doute. Dans cette dimension colorée évoluent près de 8.000 employés vacants à des tâches qui nous échappent, telles de besogneux Oompa Loompas. Ici, chacun sait parfaitement ce qu’il a à faire, c’est pourquoi le système hiérarchique habituel fait de maîtres et de contremaîtres a été aboli et semble fonctionner si bien. J’ai pourtant l’impression qu’ils marchent constamment sur des tapis roulant, les guidant au travers de leur journée, tels des bagages dans un aéroport. Même les pauses qu’ils s’accordent semblent téléguidées. Aux murs, de nombreux slogans façon « motivators » sur fond d’humour geek leur rappellent la ligne philosophique de Facebook. Beaucoup d’employés arborent d’ailleurs d’eux-mêmes des vêtements au logo de l’entreprise. Je me dis qu’il doit être difficile de ne pas vouer telle reconnaissance à une main qui vous nourrit aussi gracieusement.

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Les murs estampillés « Facebook »

Qu’on se le dise, je suis loin de penser qu’il faut blâmer une entreprise qui tente d’abolir les rapports de force entre ses employés et qui voue une telle importance à leur bien-être, tout au contraire. Facebook démontre qu’un modèle plus horizontal au sein d’une entreprise est non seulement possible, mais permet aussi de rapporter gros. Pourtant je ne peux m’empêcher de ressentir que quelque chose dans cette spectaculaire symphonie sonne faux. Quand une entreprise de cette taille et de cette importance parvient à ce point à créer ce qui m’a paru être une monoculture en vase clos, je peux difficilement m’imaginer la majorité de ses employés garder les deux pieds sur terre, penser le monde extérieur avec intérêt et empathie.

Cette visite dans l’univers guimauve de Facebook fût néanmoins enrichissante. Il est très jouissif de percer une partie du secret qui plane autour de ce genre d’entreprises et qu’elles semblent s’amuser à construire elles-mêmes. Ensuite, et c’est le plus important, cette expérience m’a permis de mieux comprendre le fossé qui peut exister entre les employés de la tech et les habitants de San Francisco qui se rebiffent contre eux.

Cette visite dans l’univers guimauve de Facebook fût néanmoins enrichissante. Il est très jouissif de percer une partie du secret qui plane autour de ce genre d’entreprises et qu’elles semblent s’amuser à construire elles-mêmes. Ensuite, et c’est le plus important, cette expérience m’a permis de mieux comprendre le fossé qu’il existe entre les employés de la tech et les habitants de San Francisco qui se rebiffent contre eux.

Journée étrange que fût la journée passée à la Silicon Valley (Céline)

Journée étrange que fût la journée passée à la Silicon Valley. Arrivée là-bas, je ne peux pas dire que je suis excitée, mais ma curiosité est titillée. C’est par Facebook que nous allons commencer. Nous entrons dans un des nombreux bâtiments. Impossibilité de rentrer sans se faire remarquer et interpeller. Pour rentrer, il y a des conditions à accepter (la liste est si longue que nous ne prenons pas le temps de lire l’entièreté), et sans passeport ou carte d’identité, la porte reste fermée. Etre invité par une personne y travaillant est la seule possibilité de se frayer une entrée dans cette tour dorée. Les journalistes ne peuvent pas y mettre les pieds. Une fois à l’intérieur, je contemple cette vie parallèle. Je suis en admiration. Positif ou négatif, je ne le sais pas encore. Sur le moment, je suis incapable de réfléchir correctement tellement il y a des choses autour de moi qui doivent être assimiliées. La compagnie a fière allure. Bureaux en open space, atelier artistique, pop-up store qui change chaque jour, murs des couloirs métamorphosés en espaces artistiques, divers restaurants et endroits pour s’abreuver en café et boissons de toutes sortes. Travailler certes, mais différentes possibilités pour les employés de se donner du bon temps au sein même de leur entreprise, qui ressemble bizarrement à une petite ville. La différence, c’est la gratuité. Je me sens empruntée d’un monde qui n’est pas le mien, d’une réalité que je n’ai pas l’habitude de côtoyer, qui me perturbe et me fascine en même temps. La vie des employés semble intensément paisible et facilitée et en même temps ce système étonnant me paraît aliénant et asservissant car c’est une bulle qui est créée, limitant les interactions avec l’extérieur. En bus de la compagnie, vous viendrez travailler. Dans votre entreprise, vous mangerez. Dans la salle de sport ou de jeux vidéo vous vous détendrez. Avec le bus, vous rentrerez. Mon esprit, au départ émerveillé, vacille et c’est confuse que je termine la visite. Ensuite, direction Google. Nous nous promenons dans les différentes avenues bordées par les nombreux bâtiments de la compagnie. En son cœur, possibilité de voir des employés jouer au beach volley, rouler sur des vélos aux couleurs de Google, travailler ou se détendre sur les terrasses aux chaises et parasols aux couleurs identiques que les vélos. Je suis stupéfaite par la différence de ce monde, d’une étrangeté difficilement définissable. Notre dernière destination est Apple. Accès unique à l’extérieur des bâtiments car y entrer est évidemment impossible. Le secret est bien gardé et la vision est donc limitée. Simple aperçu d’un design intérieur épuré. Cette visite en plein cœur de la high-tech m’a ébranlée et c’est perplexe que j’achève cette journée interpellante, perturbante et en ce sens enrichissante. Je pense à la promesse faite par la technologie de changer le monde, de le rendre meilleur. Je ne doute pas de cette intention qui à l’origine devait être sincère, et qui l’est peut-être toujours, mais je me demande comment on peut agir et changer un monde dans lequel on ne prend pas part, et qu’inconsciemment ou consciemment on ignore.

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Les terrasses des bars sur le trottoir. On se croirait en ville!

San Francisco Diaries: Jour 15

Sous les conseils d’Erin McElroy, activiste à la base de l’Anti Eviction Mapping Project, nous avons suivi une session de « door knocking » avec des membres du collectif « Eviction Free San Francisco ». Ce collectif rassemble plusieurs personnes qui ont subi ou sont en train de se battre contre une situation d’éviction. Le but de cette activité est de faire du porte à porte afin d’informer sur leur droits les personnes ayant reçu une annonce d’expulsion . En effet, beaucoup d’habitants n’ont pas connaissance de leurs droits dans une telle situation, droits qui leurs permettraient pourtant de gagner du temps dans le processus légal voire de sortir vainqueur d’un procès dans le cas d’une expulsion illégitime.

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Ron et Patricia font partie du groupe « Eviction Free SF »

Nous avons donc embarqué à bord de la voiture de David, accompagnés de Ron et de Patricia. Le premier fait actuellement face à une situation d’expulsion. Son procès, prévu pour l’automne 2015, s’annonce éprouvant et risque d’être fort médiatisé. Le second a vécu une situation similaire il y a 15 ans et depuis il s’engage pour la protection des locataires. Quant à Patricia, elle vient de gagner son procès contre une expulsion « Ellis Act » jugée illégitime. Pour ces trois personnages hauts en couleurs, il est important de se regrouper pour venir en aide à ceux qui passent par la même épreuve qu’eux.

Armés d’une liste d’adresses, nous avons parcouru les hauteurs des quartiers de Haight et Mission. L’objectif était de passer par 8 maisons en deux heures. Au final, les sept premiers essais se sont révélés infructueux, les habitants étant absents ou ne voulant pas ouvrir leur porte. Les derniers habitants étaient déjà au courant de l’existence des réunions organisées par Eviction Free San Francisco. Si le résultat fut assez décevant pour nos trois comparses, cette ballade nous a permis de capturer quelques bonnes images et quelques conversations truculentes. Mais aussi d’agrandir encore un peu notre carnet d’adresses.

Le 3 juillet, un jour pas comme les autres!

Comme nous vous le promettions dans l’article « San Francisco Diaries: Jours 10, 11, 12 & 13« , voici le récapitulatif de la journée d’anniversaire de Lola, écrit par l’intéressé elle-même.

Le 3 juillet est une journée importante pour moi. Cette année, j’étais particulièrement réjouie à l’idée d’être en Californie pour fêter mes 23 ans. Vendredi 3 au matin, Céline nous a préparé un bon petit déjeuner. J’ai eu droit à un œuf sur le plat qui était encore meilleur que d’habitude ! Ensuite, nous avons préparé nos sacs pour partir toute la journée en excursion. (J’adore ce genre de journée !)

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Nous sommes allés à Fisherman’s wharf, ancien quartier de pêcheurs devenu aujourd’hui un vrai repère de touristes étrangement émerveillés et affamés. Après quelques photos devant la mer et devant la prison Alcatraz (vue de loin), nous décidons de prendre le bus pour China Beach, une plage au Nord Ouest du centre de San Francisco.

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Le trajet fût long mais la récompense en valait la peine. La vue était incroyable et le calme et la sérénité nous changeait un peu du centre ville. Nous avons étendu notre grand drap pour nous reposer sur la plage mais très vite, je me suis fait enterré dans le sable par Arthur et Céline ! Nous avons aussi été mettre nos pieds dans l’Océan (qui était très froid).

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Vers 17h, nos estomacs crièrent famine… Il était temps de rentrer ! Après une bonne douche et un bon petit apéro, nous sommes descendu dans le centre de Mission pour manger dans un chouette petit restaurant mexicain ! (J’avais pris le temps de le choisir grâce aux conseils du Routard). Il était effectivement délicieux. Nous nous sommes régalés. Au menu : nachos, tacos de toutes sortes et bons coktails !

En rentrant, nous avons continué à papoter dans le salon autour d’un bon petit verre de vin rouge et je me suis alors rendu compte d’une chose : je venais de passer une merveilleuse journée avec de merveilleux amis. Car oui, Arthur, Adrien et Céline sont mes compatriotes de travail mais ils sont aussi et avant tout des amis fabuleux avec qui je peux être véritablement moi-même. J’ai de la chance de pouvoir travailler à l’autre bout du monde avec eux. J’ai de la chance de les avoir croisé sur ma route et j’espère ne jamais les perdre. Cette journée a été riche en émotions. J’ai reçu de gentils petits mails de ma famille proche et de mes amis restés en Belgique et nous avons partagé de nombreux moments de complicité avec mes trois mousquetaires sur place.

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Je n’oublierai jamais mes 23 ans en Californie !

MERCI LES AMIS !

 

Lola

San Francisco Diaries: Jour 14

La journée commence un peu plus tard qu’à l’habitude. Pendant que Céline et Lola partent récolter des photos et du son du côté de Japantown et de la Cathédrale Saint Marie of Assomption (construite en 1971, elle ressemble à une énorme tour de béton aux formes modernes), Adrien et Arthur partent filmer le quartier du Tenderloin. Ce quartier historique et défavorisé de San Francisco est majoritairement connu pour le grand nombre de sans-abris et de malade mentaux qui y déambulent jour et nuit. Une portion de jungle urbaine qui nous met face à la réalité parfois brutale des grandes villes américaines, mais qui nous intéresse tout particulièrement car c’est dans ce quartier même qu’a choisi de s’installer la firme high-tech Zendesk. Ce entreprise de softwares orientée service clientèle, crée au Danemark en 2007, s’est relocalisée à San Francisco en 2011 et est la première société « tech » à avoir profité de la levée de taxe mise en place par le maire Ed Lee afin d’attirer ce type d’entreprises dans le quartier, histoire de le revitaliser, le sécuriser et y créer de l’emploi (voir article : « Entretien avec Cédric Godart »). La particularité de Zendesk, c’est que près de 95% de ses 500 employés prennent régulièrement à des programmes de volontariats mis en place au sein de l’entreprises, au point que celle-ci a été érigée en modèle à suivre au sein de ce secteur.

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Les bureaux de Zendesk

C’est pour discuter de cela avec Tiffany Apczynski, manager du secteur « social responsability » chez Zendesk, que nous nous sommes tous rejoints à 16h. Cette rencontre nous a paru sincère et définitivement instructive. Mais le but pour nous était aussi de nous créer des contacts au sein de l’entreprise, afin de pouvoir suivre certains employés dans leurs activités de volontariat durant les semaines à venir et de nous rendre compte de la réalité du terrain.

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