La crise du loyer frappe de plein fouet San Francisco (1/3)

En 2014, c’était officiel : San Francisco était la ville la plus chère des USA dépassant pour la première fois New York.

Cette augmentation du prix des loyers s’est exercée assez brutalement ces dernières années : en juin 2011, le loyer médian pour un appartement avec une chambre était de $2,195 ; deux ans plus tard, il s’élevait à $2,795 soit une augmentation de 27%.

Cette hausse des loyers peut s’expliquer par l’écart entre les loyers subsidiés et les loyers privés mais aussi par la venue de jeunes entrepreneurs voulant bénéficier de la montée en flèche du secteur des technologies numériques.

San Francisco manque d’appartements à prix abordables contrôlés et subsidiés par la ville. Le reste du parc immobilier est soumis à la loi du marché, ce qui explique l’énorme écart entre un loyer abordable (inférieur à 1000 dollars) et le loyer moyen de 3100 dollars pour une seule chambre. Étant donné le nombre croissant de personnes pouvant bénéficier de ces loyers raisonnables, la demande sur le marché de l’immobilier privé s’accroît, entrainant une hausse des prix.

Le boom technologique responsable de la crise du logement

En outre, on assiste actuellement à un boom des technologies, communément appelée « tech boom 2.0 ». San Francisco, se situant à une soixantaine de kilomètres de la Silicon Valley, berceau du développement informatique et technologique, accueille un nombre croissant de jeunes entrepreneurs qui viennent y tenter leur chance. Ces nouveaux arrivants ont déjà un certain patrimoine financier et appartiennent souvent à une classe sociale privilégiée. Les investisseurs et agences immobilières voient donc là une belle opportunité pour augmenter le prix des habitations.

En 2000, la valeur d’une maison était d’approximativement $875.000. En septembre 2014, on constatait une augmentation de cette valeur de 96%.

Une hausse des prix aux alentours de l’année 2000 est également constatée, ce qui correspond au premier essor d’internet. Celui-ci avait en effet attiré des entrepreneurs dans les régions proches de la Silicon Valley. On constate une nouvelle hausse des prix entre 2006 et 2007, ce qui correspond à la bulle financière dont l’éclatement conduira à la crise des subprimes . Le regain des prix que l’on constate à partir de 2012 correspond au « tech boom 2.0 » actuel.

Le Département pour la santé publique de San Francisco a publié une carte interactive en 2013 décrivant la situation des loyers dans les différents quartiers de la ville. Sur base du salaire minimum de 2012 ($10.24 de l’heure), il faudrait exercer 5,5 jobs à plein temps pour louer un appartement dans le district de Mission; 5,7 dans celui de Civic Center; 8,1 dans celui de Financial District; 7,8 dans celui de Mission Bay; et 7,4 dans South of Market (SoMa). Signalons que le salaire minimum est depuis passé à $10.55 de l’heure (GREEN, 2013).

Il est également à noter que les districts où l’on assiste à une augmentation plus rapide des loyers sont ceux qui étaient considérés comme les plus abordables : Civic Center, Bernal Heights ou encore Mission.

L’employé d’une entreprise bénéficie d’un salaire très élevé. Selon le site « Glassdoor » (voir supra), les rémunérations varient d’une entreprise à l’autre, mais un poste rapporte en moyenne annuellement 130 000 dollars. Grâce à leur salaire plus élevé que ceux des salariés moyens, les « techies » ont une influence énorme sur le marché de l’immobilier. Les descriptions des locations et des ventes d’appartements ou de maisons mentionnent depuis peu leur atout de proximité d’un arrêt de bus Google ou Apple. L’offre cible donc les employés des entreprises de technologie. Les loyers à proximité de ces arrêts ont d’ailleurs augmenté de 20 %. Leur influence ne s’arrête pas au logement.

Les Google Bus, nouvel ennemi des locataires san franciscains

Un autre facteur d’augmentation des prix du loyer est l’arrivée massive des navettes Google dans la ville. On parle ici de bus privés appartenant à Google (d’autres entreprises comme Apple en possèdent également) et qui sont chargés de venir chercher les employés habitants la ville pour les conduire au « Googleplex » situé dans la Silicon Valley. Google possède la flotte de véhicules la plus importante de la Valley. L’entreprise assure le transport de 4500 personnes par jour via 30 arrêts de bus dans la ville de San Francisco. Si les bus Google ont avant tout un but écologique, en permettant un transport en commun, ils participent au phénomène de gentrification.

Outre l’impact sur les loyers, ces navettes sont la source de conflits entre chauffeurs de bus municipaux et chauffeurs privés. Les bus Google utilisent les arrêts classiques, ce qui engorge les rues de la ville. Des voix s’élèvent pour demander à San Francisco de collaborer avec ces entreprises afin de leur créer des arrêts spécifiques pour diminuer les problèmes de circulation et pour limiter la hausse des loyers san franciscains.

Le nombre toujours décroissant de logement disponible à bas prix et l’influence des entreprises numériques, tant par la venue de leurs employés dans la ville que par l’instauration des navettes privées, tend à exacerber la crise du logement dans « The City by the Bay ». Si l’influence du secteur technologie peut être minimisée, il est certain que la ville subit la crise immobilière de plein fouet et que ce n’est pas prêt de s’arrêter.

Adrien Suys

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